海南省进升为大陆”自由港”

xi jinping 人民网法文版
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CHINESE FREE TRADE ZONES (一) – SHENZHEN+GUANGDONG PROVINCE BRI+GREATER BAY AREA
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• Simon Rimant - Economiste •


Résumé : en déplacement sur l’île de Hainan dans la foulée du Forum de Bo’ao qui y avait été organisé quelques jours plus tôt, Xi Jinping a confié à la province la mission de se constituer en « port franc » ; un concept encore flou, mais qui se veut proposer un degré d’ouverture supérieur aux Zones de libre-échange pilotes qui se déploient sur le territoire chinois depuis 2013. Alors que les réformes mises en œuvre dans ces zones ont généralement déçu, la constitution de Hainan comme « port franc aux caractéristiques chinoises » doit être accueillie avec prudence ; cela d’autant plus que l’île bénéficie depuis trente années déjà de mesures dérogatoires qui, jusqu’ici, n’ont guère recueilli le succès escompté.

1. Hainan, premier « port franc » de Chine continentale : le 13 avril 2018, à l’occasion d’une cérémonie célébrant le 30ème anniversaire de la création de la Zone économique spéciale de Hainan (1988, année où Hainan prend aussi son « indépendance » du Guangdong pour devenir une province à part entière), Xi Jinping a annoncé la constitution de l’île toute entière comme Zone de libre-échange pilote (la 12ème de Chine) et comme premier « port franc aux caractéristiques chinoises » (zhongguo tese ziyou maoyigang, 中國特色自由貿易港) du pays. Le président chinois avait une première fois mentionné un tel concept dans son discours du 18 octobre 2017 inaugurant le XIXème Congrès du Parti communiste chinois. Le 10 novembre 2018, à l’occasion d’un long article publié dans le Quotidien du peuple, Wang Yang (membre du Comité permanent) en avait donné la définition suivante : « les ports francs se situent hors du périmètre des douanes chinoises ; les marchandises, le capital et les individus y entrent et en sortent librement ; l’immense majorité des marchandises sont exemptées de tarifs douaniers ; les ports francs sont aujourd’hui les zones économiques proposant le degré d’ouverture le plus élevé au monde » avant de citer Hong Kong, Singapour, Rotterdam et Dubaï comme exemples.

2. Une exploration « étape par étape », pour un premier bilan à l’horizon 2025 : un plan du Conseil des affaires de l’État daté du 11 avril 2018 a été rendu public le lendemain de l’annonce, qui consiste en une série d’orientations générales visant à soutenir le développement de la province. Un paragraphe spécifique concerne son nouveau statut de « port franc », selon lequel Hainan est donc appelée à mettre en place « de manière graduelle, et étape par étape », les institutions caractéristiques d’un port franc : leurs fondations devront avoir été établies à l’horizon 2025 pour une maturation prévue pour l’horizon 2035. Pour atteindre ce but, des réformes sont prévues, qui doivent venir renforcer la « flexibilité » des politiques en vigueur en matière de commerce extérieur, d’investissements financiers, de fiscalité, d’innovation financière et d’immigration. Les principales activités amenées à être développées sur l’île sont aussi précisées, qui sont les suivantes : tourisme ; services modernes (l’expression recouvre traditionnellement les services juridiques, financiers et certains services logistiques) ; industrie hi-tech. Afin de favoriser le développement du tourisme, les résidents de 59 pays pourront entrer à Hainan individuellement sans visa, de même que les fondateurs d’entreprises répondant à certaines conditions[1].

3. Sans révélation majeure, le plan confirme aussi le « positionnement stratégique » de l’île comme (1) « zone pilote de la Réforme et de l’Ouverture » (référence au nouveau statut de l’île comme ZLE pilote et port franc) ; (2) « zone pilote en matière de civilisation écologique » (l’île nourrit de longue date des ambitions dans le domaine) ; (3) « centre international de tourisme et de consommation » (idem) ; (4) « zone de soutien garanti à la grande stratégie nationale » (aucune nouveauté à cet égard : c’est à la circonscription de l’île de Hainan que sont rattachés les « terres irrédentes » de Mer de Chine du sud, à commencer par les Paracels, que le XIIIème plan quinquennal de Hainan appelle à transformer en « parc maritime national »…). Parmi les mesures concrètes également dévoilées dans le plan : (1) l’ouverture de nouvelles lignes internationales directes au départ des aéroports de l’île ; (2) la généralisation à l’ensemble de l’île des duty free pour les visiteurs de passage ; (3) Bloomberg et le South China Morning Post ont rapidement titré sur la légalisation des paris sportifs (et sur le soutien au développement des courses hippiques) ; en réalité, le plan se contente de réitérer une prudente invitation à « prendre des mesures exploratoires en faveur du développement des jeux de loterie sportive ou des paris à l’occasion de grands événements internationaux » déjà énoncée – en des termes identiques – dans un texte du Conseil des affaires de l’État datant de 2009.

4. Hainan, « vilain petit canard » des réformes : alors que les réformes mises en œuvre dans les Zones de libre-échange pilotes qui se déploient sur le territoire chinois depuis 2013 ont généralement déçu (c’est notamment le cas en matière d’ouverture sectorielle aux investissements étrangers et de libéralisation du compte de capital), la constitution de Hainan comme « port franc aux caractéristiques chinoises » doit être accueillie avec précaution. C’est d’autant plus le cas que Hainan bénéficie depuis longtemps de mesures dérogatoires qui, jusqu’à présent, n’ont guère recueilli le succès escompté : (1) déclarée « zone économique spéciale » en 1988, Hainan (9,2 M habitants) ne pèse en 2017 qu’à peine un cinquième (19,9%) du PIB de Shenzhen (12,5 M habitants) ; (2) sa constitution en « île touristique internationale » a justifié, depuis 2009, la mise en place d’exemptions de visas pour les groupes de visiteurs, de facilités en matière d’importation de certains produits pharmaceutiques et médicaux (dans le but de favoriser le développement d’un tourisme de soins et de bien-être, dans la zone de Lecheng notamment), l’ouverture de magasins duty free à Sanya, ainsi que plusieurs tentatives déçues de légalisation de certaines formes de jeux d’argent : en 2017, pourtant, l’île n’était parvenue à attirer que 1 M de touristes étrangers (1,5% du total de visiteurs accueillis cette année-là) quand Bali, en Indonésie, en avait accueilli cinq fois plus.

5. Une nouvelle initiative destinée à faire pression sur Hong Kong ? Dans la géopolitique nationale, enfin, la constitution de Hainan comme « port franc » est probablement à rapprocher de l’initiative de « Greater Bay Area », que le plan cite d’ailleurs pour appeler à leur « coordination active ». Alors que les discussions sur l’avenir de la Région administration dans la période post-2047 devraient s’ouvrir dans la décennie, ces deux initiatives semblent, dans une certaine mesure, avoir été pensées pour en gommer les spécificités (et, partant, relativiser son utilité pour la mère patrie, qui conditionne de fait le maintien de son statut particulier) : la Greater Bay Area en accélérant l’intégration de Hong Kong dans son arrière-pays cantonais ; le port franc de Hainan, en cherchant à se positionner sur un modèle économique similaire à celui de la RAS avant 2035. Sur ce dernier point, notons toutefois que le plan décourage explicitement le développement du commerce de transit (98,9% du commerce international hongkongais en 2017) et de l’industrie de transformation ; et que les duty free semblent ne devoir être réservés qu’à la population de passage : Hainan doit en effet devenir un « port franc aux caractéristiques chinoises ». L’on ajoutera que l’État de droit et les marchés de capitaux pleinement ouverts, qui sous-tendent le statut de « ports francs » comme Hong Kong et Singapour, deux cités-Etat pratiquant la common law depuis plus d’un siècle, paraissent en outre difficilement reproductibles à court comme à long terme.

• Simon Rimant - Economiste •